Le changement climatique a un fort impact sur le territoire. Au cours des dernières décennies les observations à l’échelle du massif Pyrénéen montrent l’augmentation inconstante mais réelle des températures (+1.7°C) ainsi qu’une tendance nette à la baisse des précipitations (- 8 %) durant l’hivers et l’été, révélant notre vulnérabilité et la nécessaire adaptation de nos comportements.

Selon météo France, de mai à octobre, les températures ont tour à tour dépassé les normales de saison sans interruption. L’année 2022 sera sans aucun doute la plus chaude de l’histoire, et certainement la plus fraîche des années chaudes à venir.

Entretien avec

Mr Roger Ciurana  Vice-président chargé de la ressource en eau

« L’année 2022 marquera un tournant dans le changement climatique, ou nous avons assisté à une réalité qui nous attend pour le futur. L’élévation de la température constatée depuis quelques années provoque des phénomènes violents que nous ne connaissions pas sous nos latitudes.

Cet été, nous avons pris conscience de la raréfaction et de la fragilité de la ressource en eau sur le territoire du Parc ou nous constatons, comme ailleurs, moins de précipitations depuis des années. Qui pouvait imaginer nos fleuves et rivières avec un faible débit, nos retenues d’eau et lacs pratiquement à sec.

Cette ressource est fragile et des multiples missions du Parc, l’anticipation par la gestion des espaces naturels contribue à préserver et redévelopper des fonctions hydrologiques de bassin versants. Grace à l’aide apporté par l’Agence de l’Eau RMC et en partenariat avec les Syndicats de rivières nous améliorons la connaissance de milieux aquatiques sentinelles. L’intégration de la gestion durable du patrimoine naturels dans les documents de planifications, projets d’aménagements ou manifestations en accord avec les principes et objectifs de la charte répondent aux enjeux de préservation des espèces patrimoniales et des milieux. Les partenariats avec les Communautés de Communes encouragent la restauration et le suivi de la continuité écologique des cours d’eau, mais aussi des espèces invasives introduites, comme la Berce du Caucase.

Améliorer la gestion quantitative de la ressource et des prélèvements est urgent. Même si notre département a de très belles montagnes celles-ci ne reçoivent plus de la même manière les précipitations attendues pour l’alimentation des nappes et des cours d’eau, en souffrance. Le Parc anime et accompagne les usagers dans une gestion plus sobre et le partage de l’eau, notamment veille au bon état des canaux d’arrosage et à leurs utilisations ainsi qu’au bon état des rivières. Une bonne solidarité est nécessaire pour l’équilibre, en travaillant avec tous les acteurs de l’eau. Nous devrons avoir des comportements responsables en économisant cette ressource.

Pour cela notre objectif c’est la sensibilisation du public et en particulier les jeunes. Aussi le Parc est présent dans les écoles, organise des séjours sur la thématique de l’Eau et les Palabres d’aqui destinées à rencontrer le grand public. L’écriture d’un ouvrage très documenté sur les canaux de montagne est en cours de réalisation, vous y trouverez la connaissance et la valorisation de ce patrimoine local.

Devant ce défi qui nous attend nous devrons repenser totalement notre manière de vivre, soyons réalistes. »

Bilan de la sécheresse hors norme 2022 dans les Pyrénées catalanes

Témoignages de Florence Vaysse et Jacques Richon
Météo-France, novembre 2022

L’année 2022 va-t-elle se classer comme la plus chaude depuis le début des mesures météorologiques ?

Cette année est remarquable à plusieurs titres : un bilan des pluies très bas, des températures très élevées et en résultat des indices de sécheresse du sol aussi très bas voire souvent records.

Côté chronologie,  après une saison de recharge (septembre 2021 à mars 2022) plutôt bénéficiaire côté précipitations, les conditions météorologiques deviennent chroniquement sèches et chaudes à partir de mi-avril et ce, sur une très longue période jusqu’à ce mois de novembre.

De nombreux records ont été battus. Côté températures : au-delà des quelques records quotidiens ce qui est remarquable c’est la durée avec des températures très chaudes ainsi que la précocité de certaines valeurs.

(Quelques records mensuels quotidiens battus sur des stations d’après 1980 – mais pas vraiment sur les stations de plus de 50 ans

  • Mai :  Serralongue (700 m) depuis 1985 32,9 °C le 20 mai
  • Juillet : Le  Perthus (295 m) depuis 1989 : 38,1 °C le 15 juillet)

De mai à novembre : tous les mois sont plus chauds que la normale (nouvelle normale calculée de 1991 à 2020). À l’échelle du département des Pyrénées-Orientales, l’indicateur départemental calculé depuis 1947 à partir de plusieurs stations significatives, montrent des mois de mai, juillet et octobre records chauds avec des anomalies de +2,5 à +3 °C jusqu’ 3,6 °C pour le mois d’octobre et les mois de  juin et août se classent au 2ᵉ rang. Si on prend l’exemple de Perpignan dont nous avons des relevés depuis 1925, soit bientôt 1 siècle :

  • le seuil des 30 °C a été dépassé 76 jours (du 18/05 au 19/09)  au 1er rang devant les années 2003, 2018, 2019, 2020, 2016, 2006 et 1937 (on peut noter 7 années après 2000 sur les 97 ans de relevés) – La normale est de 36 jours.
  • le seuil des 25 °C (jours estivaux) a été dépassé  148 fois au 1er rang devant 2009 pour une normale de 109
  • le seuil des 35 °C (jours très chauds) a été dépassé  16 fois au 2ᵉ rang après 2003 pour une normale de 2.9 !
  • En octobre, on enregistre aussi un record, avec 15 jours avec Tx25 °C normale 4.2
  • Les nuits (ndlr tropicales) sont aussi remarquables avec 64 nuits où le thermomètre n’est pas descendu en dessous de 20 °C au 2ᵉ rang derrière 2003 avec 65 nuits, pour une normale de 38 nuits.

Côté précipitations : c’est l’été et plus largement la saison d’étiage qui ont été extrêmement secs dans l’est du département, des Fenouillèdes aux Albères et au littoral avec seulement 30 à 40 % de la normale ce qui représente 15 à 45 mm  de pluies avec seulement 1 à 2 jours de pluies ⩾5 mm.

Si on prend l’exemple de Perpignan (mesures depuis 1925), avec 17,4 mm c’est l’été le plus sec devant ceux de 1991 et 1962.

 

 

En conséquence de ces faibles précipitations et de températures élevées durablement, l’évaporation de l’eau superficielle et l’évapotranspiration des plantes a été très forte. L’indice d’humidité des sols SWI (Soil Wet Index), à l’échelle du département, a été record sec de fin juin à mi-août puis depuis le 1er novembre.

Quelle est donc l’évolution de ces phénomènes climatiques et à quoi doit-on s’attendre (vagues de chaleur, précipitations par exemple)?

Toutes les illustrations sont issues du site https://meteofrance.com/climathd

Dans le contexte du réchauffement climatique, quel que soit le scenario considéré, les températures vont continuer d’augmenter jusqu’au milieu du siècle. L’évolution dépendra ensuite des mesures qui sont prises pour réduire les gaz à effet de serre. Les vagues de chaleur vont s’intensifier, se multiplier et s’étendre sur une période plus longue de juin à octobre.

Coté précipitations, en régions méditerranéennes, avec toujours une variation interannuelle forte (des années très pluvieuses peuvent alterner avec des années plus sèches),  les modèles climatiques simulent une baisse des cumuls estivaux d’ici la fin du siècle dans les scénarios de fortes émissions et d’émissions modérées de gaz à effet de serre.

En conséquence, l’indice d’humidités des sols (SWI) évolue aussi à la baisse.

Sur le graphe ci-dessous, niveau du SWI pour le Languedoc-Roussillon, la période « sèche », qui dure en moyenne de mi-juillet à mi-septembre entre 1961-1990 s’étalera de mi-juin à début novembre après 2070.

De même, après 2070, le niveau moyen du SWI en Languedoc, correspondra au niveau des années records de la période 1961-1990.

Bilan des précipitations de neige de la dernière saison et perspectives

Quel est le bilan de cette année (saison 2021-22), en comparaison aux normales ?

 

A proximité de l’Ariège, les fortes chutes de neige de décembre et début janvier ont données une hauteur record pour la saison. Une longue période anticyclonique avec un fort regel nocturne et quelques rares chutes de neige ont permis de maintenir cet enneigement excédentaire jusqu’au mois d’avril. Les températures particulièrement élevées à partir de mi-avril ont conduit à une fonte rapide de la neige et à sa disparition complète avec une quinzaine de jours d’avance sur la normale.

 

Dans le sud du parc, moins soumis aux perturbations d’origine atlantiques, les chutes de neige de décembre ont été moins abondantes, donnant cependant un manteau neigeux excédentaire en début de saison qui s’est maintenu à un niveau correct jusqu’au mois de mai. Il a disparu rapidement à la mi-mai.

Concrètement, comment ces stocks ont-ils évolués cette année compte tenu des conditions climatiques vécues (volumes des précipitations neigeuses, journées <0°C, répartition altitudinale du manteau, résistance des névés) et quelles sont les conséquences sur la distribution saisonnière de la ressource en eau ?

Le stock de neige excédentaire en début de saison s’est maintenu autour de la médiane jusqu’en fin de saison. L’eau de fonte disponible pour l’alimentation des cours d’eau au printemps 2022 a donc été proche de la normale, sans doute avec un léger excédent en avril et un léger déficit en mai. La fonte des derniers névés a été plus précoce que la normale du fait des fortes températures de fin avril et de mai.

Peut-on donner des perspectives pour les années à venir (saisonnalité, quantités)?

Dans le court terme, la forte variabilité naturelle de l’enneigement d’une année sur l’autre ne permet pas de donner une tendance l’hiver prochain ou le suivant. Cependant, les conséquences attendues du réchauffement climatique sont une baisse généralisée de l’enneigement, qui se manifestera par une date plus tardive de l’apparition de la neige et une fonte plus précoce, et une disparition progressive aux plus basses altitudes.

Un réchauffement de 2°C de la température correspond à la translation des conditions d’enneigement de 300 m vers le haut : les conditions d’enneigement à 1500 m d’altitude avant le réchauffement seront celles observées à 1800 m après un réchauffement de 2°C.

Pour rappel, la température dans les Pyrénées s’est élevée de 1.7°C depuis le début de l’ère industrielle.

Toutes les projections climatiques prédisent la poursuite du réchauffement jusqu’au milieu du XXIeme siècle au moins. La suite dépendra des choix de société que nous faisons aujourd’hui.

Quels impacts auront ces tendances sur les activités économies (industrie touristique, agriculture, enneigement artificiel) et les écosystèmes aquatiques (tourbières, zones humides, lacs d’altitude, canyons, rivières, torrents, systèmes karstiques et résurgences) notamment au regard des volumes, de la limite pluie neige, du nombre de journée en dessous de 0°C?

La disparition progressive de la neige naturelle, notamment aux plus basses altitudes va impacter le tourisme d’hiver. L’enneigement artificiel pourra palier temporairement cette raréfaction tant que des conditions nécessaires à sa fabrication resteront suffisamment fréquentes et que la ressource en eau sera disponible.

Les écosystèmes aquatiques sortent du domaine de compétence de Météo-France.

Pour conclure selon-vous, quels enseignements devons-nous tirer de ces canicules et sécheresses extrêmes ?

L’été 2022 a été marqué par des conditions météorologiques exceptionnelles y compris pour les PO et plus largement l’Occitanie. Il pourrait correspondre à un été normal en milieu de siècle.

Pour pouvoir agir et s’adapter, les citoyens et les élus doivent avoir les éléments scientifiques compréhensibles pour prendre conscience des bouleversements climatiques déjà en cours. Pour cela, Météo-France a développé des sites ouverts à tous pour appréhender l’évolution des paramètres météorologiques mais aussi des impacts, selon différents scenarios d’émission de gaz à effet de serre.

  • Climat HD : vision intégrée de l’évolution du climat passé et futur, aux plans national et régional.  https://meteofrance.com/climathd
  • Climadiag Communes : Disponible gratuitement, cet outil permet d’accéder en 1 clic à une synthèse des évolutions climatiques attendues pour chaque commune autour de 5 thématiques clés : Climat, Risques Naturels, Santé, Agriculture et Tourisme – dont enneigement à basse et haute altitude). L’outil permet d’appréhender de façon immédiate les enjeux climatiques à l’échelle locale, indispensable pour toute démarche d’adaptation. https://meteofrance.com/climadiag-commune
  • DRIAS les futurs du climat : mise à disposition des projections climatiques régionalisées réalisées dans les laboratoires français de modélisation du climat (IPSL, CERFACS, CNRM). Les informations climatiques sont délivrées sous différentes formes graphiques ou numériques. http://www.drias-climat.fr/

La préparation pour faire face à ces phénomènes climatiques extrême est primordiale car ils impactent les ressources hydriques, les habitants (alimentation en eau des villages et des refuges), l’agropastoralisme (productivité des pâturages), énergétiques (disponibilité vs pics de demande), l’état de santé d’écosystèmes sensibles (rivières, prairies, tourbières…), le tourisme (variabilité manteau neigeux, demande), l’intensification et l’extension des feux de végétation.

L’allongement de la saison peut favoriser le choix de destinations de montagne au bénéfice du territoire mais il est certain que des changements irréversibles du paysage et des écosystèmes s’accélèrent par l’action humaine (émissions de GES, utilisation des ressources, des sols) limitant leurs capacités à fournir des biens et des services, ainsi que compromettre leur propre durabilité à long terme.

contact : romain.moulira@parc-pyrenees-catalanes.fr – ©rm.pnrpc

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