Le patrimoine vernaculaire demeure très présent dans le Parc naturel régional. A la croisée des chemins entre nature et culture, le patrimoine bâti raconte la vie des hommes, leur adaptation au milieu et l’organisation de leurs sociétés. Dans les Pyrénées catalanes, le bâti traditionnel est particulièrement marqué par le caractère montagnard, les usages agricoles et le développement des activités industrielles et touristiques au début du XXe siècle. Fontaines, chapelles, lavoirs, abris de bergers, etc. témoignent des savoir-faire passés.

Le patrimoine archéologique, de la Préhistoire à la conquête romaine

La Préhistoire ancienne est quasiment absente des régions hautes, soumises à des climats glaciaires bien trop rudes. Dans les parties basses du Conflent et des Garrotxes, l’occupation humaine est attestée dès le Paléolithique Moyen à la grotte del Mig, et s’intensifie au Paléolithique Supérieur pour donner lieu aux premières manifestations artistiques. À ce titre, les gravures rupestres du rocher de Fornols-Haut, à Campôme, constituent le seul exemple pyrénéen d’art paléolithique à l’air libre. Cet ensemble de gravures linéaires de bouquetins et d’isards est daté de l’époque magdalénienne (16000-10000 av. J.-C.).

Avec le redoux observé après 10000 av. J.-C., et l’arrivée des premiers agriculteurs au Néolithique (6000 av. J.-C.), l’ensemble du territoire est régulièrement visité par des populations qui pratiquent encore un nomadisme saisonnier, suivant le rythme des transhumances et des rigueurs hivernales. Leur présence marque déjà profondément le paysage, avec le début des déforestations par brûlage. Elles font place, en partie basse, aux cultures céréalières, et plus haut aux pâturages. Au côté des premiers vestiges pastoraux, on observe des haltes de chasse, témoins d’une économie de subsistance encore opportuniste. Du Bas-Conflent à la Cerdagne, ces populations érigent dolmens et menhirs, et piquètent profondément dans la roche cupules et croix.

Une transition importante semble s’opérer entre la fin de l’Âge du Bronze et le début de l’Âge du Fer, vers 1300-800 av. J.-C. Des sites d’habitat groupé permanent apparaissent, témoins de la sédentarisation des populations, comme sur les hauteurs de Llo, où un enclos de dix hectares ceint les habitations. À la fin de la période, vers 800 av. J.-C., apparaît une culture céramique régionale, bien présente en Cerdagne, caractérisée par son décor récurrent de lignes incisées placées en arêtes de poisson. Ce « décor cerdan » marquera tout le Premier Âge du Fer, jusque vers 500 av. J.-C.

Au Second Âge du Fer, les influences des peuples voisins se font sentir, avec le développement du commerce et l’implantation en Cerdagne, au IIème siècle av. J.-C., de populations d’origine ibère. L’oppidum de Bollvir, construit ex nihilo selon un plan typiquement ibère, l’apparition de gravures rupestres en langue ibère sont autant de marqueurs de cet apport nouveau, dans une population indigène bien définie par l’ethnonyme Cerretani.

C’est à cette époque que correspond le premier véritable essor de l’art rupestre linéaire, couvrant beaucoup d’affleurements schisteux depuis le Pla de Vall en So, à Campôme, jusqu’à la Vallée de la Peira Escrita, à Formiguères. Les signes symboliques gravés sont récurrents : arboriformes, signes en échelle, marelles, zigzags, souvent associés à des représentations humaines schématiques. Cet art rupestre connaîtra un renouvellement permanent, malgré la persistance de certains symboles, à travers le Moyen Âge et jusqu’à nos jours.

La métallurgie du fer, déjà pratiquée à la Protohistoire, va connaître un essor sans précédent avec la romanisation. Dans le massif du Canigou et sa périphérie, affleurements et gîtes miniers sont exploités. Des ateliers de réduction s’installent pour transformer le minerai et l’exporter vers les centres urbains de la Province. Ces activités se poursuivront au Moyen-Âge avec notamment l’implantation des moulines de fer, puis le développement des forges dites « à la catalane ». La sidérurgie va dès lors profondément marquer le paysage et l’économie montagnarde.

Aurteur : Jordi MACH

LE PATRIMOINE BÂTI HISTORIQUE

Des périodes préhistoriques et antiques, il ne reste que peu de témoignages bâtis. L’histoire telle que les textes nous la livre, débute avec la période du Haut Moyen Age. Le contrôle de l’espace s’organise progressivement avec la construction des châteaux, l’édification de nombreuses églises et monastères encadrant spirituellement les âmes. L’ l’organisation économique du terroir est dynamisée par les défrichements massifs et la mise en place de réseaux de communication. Aujourd’hui restaurés, en ruines ou simples traces dans les textes anciens, ce patrimoine bâti historique témoigne de la richesse de l’histoire de la Catalogne du Nord, avant son annexion au royaume de France.

Une histoire inscrite dans la pierre

L’histoire écrite débute à la période carolingienne avec la création de la Marca hispanica ou marche d’Espagne, confiée en gestion à des fonctionnaires impériaux nommés comtes. Rapidement la fonction devient héréditaire et confiée à la famille comtale de Cerdagne. Son plus célèbre représentant et fondateur, est Guifred el Pelut, qui aurait vu le jour dans le château de Ria en Conflent. Issue de sa descendance, la famille comtale de Cerdagne domine et contrôle le Capcir, la Cerdagne et le Conflent. Ils avaient pour lieux de résidence Hix en Cerdagne et Corneilla-de-Conflent. Au XIIe siècle, le comté passe sous le contrôle direct des comtes de Barcelone, devenus rois d’Aragon.

Les Xe-XIIe siècles sont une période d’expansion économique, démographique et d’organisation de l’habitat. Les espaces forestiers sont défrichés et rapidement mis en culture. A l’ombre des châteaux et des églises et plus volontiers à l’abri sur les hauteurs, se ramassent les maisons d’habitation, protégeant de leurs hauts murs les cœurs des villages (Ria, Mosset, Evol, Vernet-les-Bains …).

Au XIIIe siècle, le royaume de Majorque (dont fait partie notre territoire) est dissocié du royaume d’Aragon. Cette situation, qui perdura jusqu’au XIVe siècle, eut pour conséquence de créer temporairement au cœur même des terres catalanes, une frontière à surveiller des deux côtés. Les tours à signaux surveillaient les Français au Nord, et le roi d’Aragon au sud. Ce dernier n’eut de cesse de réunifier ce qui avait été désuni par le jeu des héritages familiaux. Finalement, le royaume majorquin réintégra le giron catalano-aragonais qu’il ne quitta plus jusqu’au traité des Pyrénées.

A partir du XVIIe siècle, l’annexion à la couronne de France eut des conséquences sur les châteaux médiévaux. Obsolètes ou abandonnés, certains tombent en ruines alors que d’autres, devenus un temps des nids de résistance à l’occupation française, sont systématiquement détruits.

Sources : Abrégé d’histoire des terres catalanes du Nord, Alicia Marcet i Juncose, 1994.
Inventaire du patrimoine, AME, janvier 2003.

Communiquer et surveiller de loin en loin

Depuis l’Antiquité, les hommes cherchent à communiquer grâce au feu, visible sur de grandes distances. Les spécificités du relief ont rapidement nécessité une organisation de relais, afin de faire circuler les informations. Plusieurs réseaux de tours à signaux sont connus, notamment dans les Pyrénées catalanes. L’usage des feux prescrit de faire des feux à flammes, la nuit et des feux à fumée, le jour, en utilisant des points hauts naturels ou des tours. Selon les époques, ces dernières pouvaient être incorporées aux ensembles castraux (Latour-de-Carol, La Llagonne…) ou bien être isolées sur des points géographiques stratégiques : cols, crêtes, routes… (Tours de Goa, Tour d’Oreilla, d’Ovança…). Ces tours, en tant que postes de guet servaient à la transmission d’une alarme. Selon les périodes et la localisation du pouvoir militaire central, l’information était montante de la plaine vers la montagne (périodes anciennes) ou descendante : de la montagne vers la plaine (à partir du XIIIe siècle).

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